EPO

                   

Trois lettres qui font peur. Pour les scientifiques, c'est l'abréviation d'Erythropoïetine,  une hormone peptidique qui permet d'augmenter l'oxygénation musculaire en même temps que la quantité de globules rouges dans le sang.
Avec l'arrivée de ces produits de la dernière génération, indétectables lors des traditionnels contrôles d'urine, dans l'arsenal des "chargeurs" du sport de haut niveau, le cyclisme a basculé dans l'ère scientifique pour aboutir à l'affaire Festina.

    Le dopage à l'ancienne, les corticoïdes et autres amphétamines, dépassées, fait place à de nouveaux produits, plus efficaces et plus dangereux.
Tout est venu d'Italie, au début des années 90, lorsque quelques médecins, ont trouvé le "produit miracle", utilisé pour le traitement de certaines maladies et en vente libre dans certains pays comme la Suisse. Les transalpins, alors, dominèrent outrageusement les courses. "On s'est retrouvé largués" lâche un ancien coureur qui souhaite garder l'anonymat.

    La gangrène sortit vite de la botte. Le marché est lucratif pour les laboratoires, les docteurs et les trafiquants. "Il y a des docteurs qui proposent leurs services retribués en fonction des points U.C.I gagnés" poursuit notre interlocuteur. La spirales est infernale. Les coureurs connaissent le ravage causé par l'E.P.O, les risques de tromboses vesculaires et d'autres séquelles.

    Dans la coulisse circulent de terribles rumeurs concernant des cyclistes professionnels qui passent tout près de l'irréparable issue. Les camping cars hermétiques où se réfugient les champions après l'efforts bruissent d'anecdotes effrayantes. C'est X qui a été obligé de se lever dans la nuit pour faire des pompes et éviter que son sang ne se fluidifie. C'est untel qui connait des problèmes de santé, et disparait de la circulation pendant quelques semaines. Certains, même dans les plus renommés, prennent peur. On apprend un beau jour qu'il ont décidé de raccrocher. Mais, le cyclisme de la fin du vingtième siècle est devenue une affaire rentable. Et l'argent, parfois, efface tout...

    La tentation "de marcher comme les autres" décuplée par l'obligation de résultats est grande. "Avec l'E.P.O, j'ai grimpé des cols comme jamais, insiste notre source. Tu gagnes 30 % d'efficacité. Dans l'effort, quand tu "toxines", tu te rasseois cinq secondes sur la selle et tu repars de suite." Certaines équipes (cela semblerait être le cas de Festina) auraient "institutionnalisé" ces pratiques pour éviter des dérives encore plus graves mais de nombreux cyclistes (champions ou non) ont recours à l'univers des médecins "particuliers" qui sévissent dans le milieu.

    Les contrôles sanguins, parade mise en place par l'union cycliste internationale début 97, ont eu jusqu'alors des effets mitigés. Les "vampires" (c'est ainsi que le peloton a surnommé les contrôleurs médicaux) débarquent au petit matin dans les hôtels et prélèvent quelques millilitres de sang. Si le taux d'ématocrite, le pourcentage de globules rouges, dépasse 50, le coureur est déclaré inapte au travail et sa licence ne lui sera rendue que quinze jours plus tard, après avoir subi de nouveaux tests. "Le contrôle du taux d'hématocrite, c'est presque comme légaliser l'EPO" affirment certains pour expliquer que, finalement, cela incite ceux dont le taux d'hématocrite est bien en dessous de la moyenne à flirter avec les limites.
Quelques uns, comme l'italien Chiapucci à deux reprises, sont tombés dans les mailles du filet. Mais, dèjà, d'autres substances encore plus redoutables, sont apparues. Les hormones de croissance mais aussi le PfC, (perfluore carbure), également indétectables dont les dangers, nombreux, sont encore mal cernés, font des ravages.

    L'affaire Festina, plus loin qu'un simple problème de dopage, met à jour des pratiques qui ne se limitent pas à un sport et à une équipe. "Le vingtième siècle a été scientifique. Le 21 ième sera juridique" a coutume de dire le prince de Mérode, président de la commission médicale du CIO.

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