La chirurgie esthétique dans un flacon

Tout Français en voyage aux Etats-Unis mesure le fossé qui sépare les deux pays dans l'accès à des hormones comme la mélatonine ou la DHEA (déhydroépiandrostérone) censées, si l'on en croit leurs promoteurs, combattre le vieillis- sement ou faire perdre du poids. Cet écart est sur le point de se creuser irrémédiablement, avec la banalisation d'un autre produit à la réputation sulfureuse, l'hormone de croissance (GH, Growth Hormone). Plusieurs cliniques américaines proposent déjà à une population blanche, aisée et vieillissante, des injections de GH pour retrouver la ligne et le tonus de leurs 20 ans.

L'hormone de croissance est fabriquée par une glande du cerveau, l'hypophyse. L'un de ses effets spectaculaires est de stimuler la croissance des cartilages et des os : elle nous fait grandir. Elle possède aussi d'autres propriétés : elle accélère la lipolyse, c'est-à-dire la combustion des graisses de réserve et elle augmente la synthèse des protéines, c'est-à-dire la fabrication de nouveaux tissus, musculaires au premier chef.

L'élixir de jouvence de Daniel Rudman
Les sécrétions de GH déclinent avec l'âge, après avoir culminé vers 13-14 ans. Après 20 ans, le taux de GH chute de 14 % tous les dix ans. En vieillissant, le corps se transforme : entre 30 et 70 ans, un homme perd 30 % de muscles alors que sa masse adipeuse augmente de 50 %. Ces deux événements (baisse des sécrétions hormonales et transformation de la silhouette) sont liés, comme l'a montré dès 1981 le Dr Daniel Rudman du Medical College of Wisconsin, à Milwaukee, aux Etats-Unis.

Dès 1990, il publiait dans l'édition du 5 juillet du New england journal of medicine une étude qui sortait la GH du champ des laboratoires et la plaçait de facto sur la liste des futurs best-sellers anti-âge, au même titre que la mélatonine ou la DHEA (voir Sciences et Avenir n¡ 586). S'injectant pendant six mois de la GH, douze hommes de 61 à 81 ans gagnèrent 9 % de muscles et perdirent 14 % de graisses, sans régime ni exercice physique. Leur peau était plus épaisse, leur colonne vertébrale plus dense. L'intérêt suscité fut considérable.

Il y a quelques mois, les Drs Edmund Chein, de Palm Springs, en Californie, et Leon Terry, un neurologue de l'équipe Rudman, ont rendu publics les résultats d'une étude à paraître conduite auprès de 202 patients, hommes et femmes, qui avaient reçu de la GH à faibles doses chaque jour pendant six mois en moyenne. 81 % d'entre eux ont un volume musculaire augmenté, 72 % ont perdu leur surcharge adipeuse, l'épaisseur, la texture et l'élasticité de la peau sont améliorées chez 70 % des personnes traitées, enfin une sur deux voit ses rides s'estomper !

Conséquence logique de ces démonstrations scientifiques, le Dr Ronald Klatz, de Chicago, publie ce mois-ci chez l'un des plus gros éditeurs new-yorkais, Harper Collins, Rajeunissez avec l'hormone de croissance. Il a accepté de s'expliquer sur la raison de cet ouvrage provocateur.

Sciences et Avenir : Pourquoi prônez-vous le recours à la GH contre le vieillissement ?

Ronald Klatz : Parce que c'est la thérapie anti-âge absolue. Elle affecte chaque cellule, régénère les organes, renforce l'immunité, diminue les facteurs de risque coronarien. C'est le médicament anti-obésité le plus efficace jamais trouvé. Elle sculpte le corps en réduisant la graisse sur l'abdomen, les hanches, les cuisses, tout en augmentant la masse musculaire.

Quels sont ses autres effets sur l'apparence ?

L'hormone de croissance, c'est la chirurgie esthétique dans un flacon. Elle fait disparaître les ridules, estompe les rides profondes, restaure l'hydratation, l'élasticité, l'épaisseur et le contour. La GH stimule la production de facteurs de croissance de la peau qui conduisent des cellules mêmes âgées à produire collagène et élastine.

Qui devrait, selon vous, suivre un traitement ?

Un tiers des plus de 60 ans sont gravement déficitaires en GH, quel que soit leur sexe, ils peuvent bénéficier d'une hormonothérapie de remplacement. Mais on trouve aussi des signes de déficit chez des gens de 40-45 ans. Le seul moyen de savoir si l'on manque de GH est de faire pratiquer un dosage. Le traitement doit être personnalisé, l'objectif étant de retrouver les valeurs moyennes que l'on rencontre entre 30 et 40 ans.

Ne faut-il pas attendre d'autres études avant d'encourager les hommes et les femmes en bonne santé à prendre de l'hormone de croissance ?

Il a fallu 40 ans à l'establishment médical pour donner son accord à la prescription d'oestrogène et de progestérone aux femmes postménopausées, et il faudra peut-être attendre 40 ans pour qu'il donne son accord à l'hormonothérapie de remplacement à base de GH. Mais je crois qu'en temporisant, on s'expose à des conséquences pires qu'en agissant dès aujourd'hui. Dans les années qui viennent, nous verrons qu'en optimisant le niveau de l'hormone de croissance, non seulement la qualité de la vie sera augmentée, mais aussi sa durée.

Thierry Souccar

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