Nouveaux controles sanguins anti-dopage
Mobilisation générale contre l'érythropoïétine qui gangrène, entre autres
sports, le cyclisme. Solution: les contrôles sanguins ! En fait, une fausse
révolution qui fait sourire les "dopeurs". L'hormone de croissance
potentiellement contaminée a circulé dès les années 1970 dans le sport. La période
d'incu-bation est de 10 à 30 ans.
L'hormone érythropoïétine (Epo) est arrivée en 1988 sur le Tour de France. Son
utilisation généralisée explique les mo-yennes horaires spectaculaires dans certaines
étapes « de légende ». Jusqu'à présent, l'Epo n'était pas recherchée dans les
contrôles. Mais le 24 janvier dernier, l'Union cycliste internationale, en accord avec
coureurs et directeurs sportifs, créait la surprise en annonçant que des prises de sang
seraient pratiquées dès cette saison. Des prises de sang effectuées avant les épreuves
mesureront l'hématocrite, c'est-à-dire le volume de globules rouges par rapport au
volume total de sang. L'hématocrite normal étant rarement supérieur à 50 %, un chiffre
plus élevé empêchera le coureur de prendre le départ. Cette mesure condamne a priori
l'utilisation future de l'Epo et vise à rendre sa virginité au cyclisme. En réalité,
l'annonce de l'UCI laisse les spécialistes sceptiques. « Si on décide d'agir
aujourd'hui sur l'Epo, c'est parce qu'il s'agit d'un problème déjà dépassé. Les
sportifs de haut niveau se sont déjà tournés vers d'autres molécules », déclarait le
19 février au Quotidien du médecin le Dr Alain Duvallet (hôpital Tarnier, Paris),
inventeur d'une méthode de détection de l'Epo. « Le risque, poursuivait-il, est qu'on
fixe l'attention du monde politique, médical et journalistique sur l'Epo. Et que, pendant
ce temps-là, les "dopeurs" prennent cinq ans d'avance avec d'autres molécules.
»
Si les dopeurs ont déjà trouvé une alternative à l'Epo, celle-ci doit répondre à
trois exigences : être aussi efficace que l'Epo, ne pas augmenter le nombre de globules
rouges, être indétectable par les contrôles habituels. Deux types de substances
répondent à ces critères. La première famille est celle des hémoglobines
semi-synthétiques, à base d'hémoglobine humaine ou animale. L'hémoglobine est la
protéine qui transporte l'oxygène dans les hématies (globules rouges). Plusieurs
laboratoires ont mis au point des produits à base d'hémoglobine purifiée et
stabilisée. L'un d'eux est en phase 3 d'essais cliniques en Europe et aux Etats-Unis, et
sa commercialisation est imminente. Elle est conçue pour des indications potentielles
nombreuses (chirurgie, trauma, attaque cardiaque, angioplastie, cancer, etc.). Les
hémoglobines de synthèse pourraient augmenter le taux d'hémoglobine, mais pas
l'hématocrite. Elles ne seraient donc pas décelées par les nouveaux tests de l'UCI.
Des sportifs s'injectent déjà les nouveaux produits
La seconde famille est celle des perfluorocarbures (PFC). Ces substances synthétiques
associant fluor et carbone sont d'excellents transporteurs des gaz du sang. Elles sont
connues depuis plus de vingt ans. Il y a dix ans, un produit du nom de Fluosol avait été
commercialisé par le laboratoire japonais Green Cross Corporation. Les chercheurs, pour
prouver la totale innocuité du Fluosol, se l'étaient même injecté. Mais le Fluosol,
trop compliqué d'emploi, fut un échec commercial. La nouvelle génération de
perfluorocarbures est stable et simple à utiliser. L'un de ces produits a passé avec
succès les tests d'innocuité et vient de conclure la phase 2 d'essais en Europe et aux
Etats-Unis. Il a pour objectif de réduire le recours à la transfusion lors d'une
opération. Il devrait être commercialisé à un prix bas, équivalent à celui d'une
poche de sang. Les perfluorocarbures n'augmentent ni l'hémoglobine ni l'hématocrite.
Pour les déceler dans le sang, il faut donc les rechercher de manière spécifique.
Les hématologues que nous avons interrogés confirment que de tels produits permettent,
chez des athlètes en bonne santé, d'augmenter l'oxygénation des tissus, pour un risque
très faible. « Ces produits ne sont pas encore disponibles sur le marché, déclarait
récemment le Dr Duvallet. Moi, je ne peux pas les prescrire. Mais [des sportifs] s'en
procurent et se les injectent déjà. »
Thierry Souccar
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